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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

meura environné de nuages. « J’avais des droits à la fortune et au nom d’un père célèbre, dit-elle dans une de ses brochures ; je ne suis point, comme on le prétend, la fille d’un roi (Louis XV), mais d’une tête couronnée de lauriers ; je suis la fille d’un homme célèbre, tant par ses vertus que par ses talents littéraires. Il n’eut qu’une erreur dans sa vie, elle fut contre moi, je n’en dirai pas davantage. »

Pour nous, gazetier indiscret, qui n’avons pas les mêmes motifs qu’Olympe de Gouges, nous n’hésiterons pas à soulever un coin de la tradition locale. Un an environ avant la naissance de notre héroïne, il n’était pas rare de voir tous les soirs se diriger vers un des faubourgs les plus déserts de Montauban un grave et dévot personnage tout costumé de noir, et ressemblant plutôt à un homme de robe ou d’église qu’à un amoureux et à un poëte, bien qu’il fût cependant l’un et l’autre. C’était M. le marquis de Pompignan, ce rimeur catholique, dont les railleries de Voltaire ont tant écorné la gloire, l’homme des odes auxquelles personne ne touche. Il possédait quelques terres où il venait souvent passer la belle saison. Or, il paraîtrait qu’à force d’aller et de venir, M. le marquis rencontra sur son chemin une petite artisane, — quelques-uns disent une revendeuse à la toilette, d’autres une fabricante de toile, — qui, par des artifices que la tradition ne mentionne pas, parvint graduellement à adoucir sa fierté de gentilhomme et à étouffer ses scrupules de chrétien. Il pouvait bien alors avoir de quarante-cinq à quarante-six ans ; c’est beaucoup pour une première passion, mais pour une dernière c’est tout juste l’âge qu’il faut. Bref, de ces