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OLYMPE DE GOUGES.

orangers, et ils sont bientôt chez la maîtresse du héros comique. On les trouve délicieux, mais les fleurs vont se passer ; quel dommage que leur durée soit si courte ! N’importe, et puisque Flore me quitte, ayons recours à Comus. Je suis d’un canton de la France où ce dieu des gourmands professe l’art d’apprêter les dindes aux truffes, les saucissons et les cuisses d’oie : n’en laissons pas manquer la table de mon protecteur. — Ah ! me dit-il en mettant un doigt mystérieux sur sa bouche, un jour qu’il dépeçait une dinde, je vois ce qu’il faut que je fasse, madame de Gouges : je ne suis point un ingrat. — Bon ! me disais-je en tressaillant de joie sur mon fauteuil, voilà mon tour qui s’approche. On se lève de table, on passe au salon. Molé, jetant par distraction les yeux sur une console : — J’ai dit vingt fois qu’on me fît venir mon tapissier pour savoir ce que je pourrai mettre là-dessus ; cette console a l’air d’une pierre d’attente. L’assemblée s’escrime en projets : l’un propose une pendule, l’autre un cabaret. — Fi donc ! reprit l’amphitryon ; mon salon est rempli de ces drogues !

« J’ai l’imagination vive, et je m’écrie : — Oui, M. Molé a raison ; moi, je veux voir sur ce meuble un Parnasse en biscuit de porcelaine : Apollon, les Muses et leurs plus chers favoris s’y grouperont agréablement. On applaudit ; mon idée est ingénieuse. — Bravissima ! répétaient tous les convives. Je pars, je me rends dans toutes les manufactures de porcelaine, je furette, je m’intrigue, et je trouve un morceau analogue. Le marchand assure qu’on ne l’aurait pas pour cent louis s’il fallait le commander ; mais il est de hasard, quoiqu’aussi beau que neuf :