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OLYMPE DE GOUGES.

et l’autre moitié à la faire jouer ; encore arrivent-ils quelquefois à leur lit de mort sans avoir atteint ce but suprême. Remarquez qu’en cela je ne prends parti ni pour les comédiens ni pour les hommes de lettres ; les uns et les autres sont sujets à des erreurs qui interdisent tout jugement trop absolu.

Bientôt il ne suffit plus à Olympe de Gouges d’avoir été femme galante et femme de lettres, elle devint femme politique.

La Bastille s’écroule. La poussière enflammée de ce vieux monument, semblable à celle que jette un vaste incendie, s’en va par l’Europe, embrasant les villes et les hommes sur lesquels elle tombe. Olympe de Gouges reçoit ce baptême, et la voilà l’œil ouvert, l’oreille aux aguets, écoutant les cris du peuple et les discours des députés. Il lui semble que c’est à elle que s’adressent les plaintes d’en bas et les dédains d’en haut ; elle répond à tout ; elle interpelle le roi, l’Assemblée et la France. Un fleuve de brochures, d’avis, de lettres, de pamphlets, découle de sa plume. Les murailles de Paris se couvrent de ses affiches.

C’est en politique surtout que son esprit méridional se révèle. L’orgueil est toujours aposté au commencement ou à la fin de ses publications. Un jour, c’est Mirabeau qui lui aurait dit : « Vous êtes une femme de génie. » Le lendemain, c’est le ministre Duport qui voudrait l’acheter pour défendre le trône ; c’est de Laporte, intendant de la liste civile, c’est la reine qui écoutent ses reproches et lisent ses lettres en tremblant. Mais le plus étrange de tous, c’est Bernardin de Saint-Pierre lui disant : « Vous êtes un ange de paix. » Farceur !