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LE COUSIN JACQUES.

ce propos on citait l’Anonyme de Vaugirard, Frère Sylvain des Ardennes, et l’on cherchait pour l’abbé un sobriquet qui caractérisât son talent badin et un peu fou. Sur ces entrefaites passe un pauvre, appelé Cousin Jacques parce qu’il était allié à tous les gens du village, et dont l’habit, composé de sept différentes couleurs, attirait de très-loin les regards. « Bon ! s’écrièrent aussitôt les dames en chœur, ce costume est tout à fait analogue à l’imagination de notre poëte, il faut l’appeler Cousin Jacques ! » Elles n’en eurent pas le démenti ; l’abbé prit la plaisanterie au sérieux, d’autant plus qu’il trouvait le sobriquet à son gré.

Ce fut donc sous ce nom de Cousin Jacques qu’il fit paraître ses premiers ouvrages, c’est-à-dire trois poëmes plus extravagants les uns que les autres : Marlborough, Turlututu, Hurluberlu, et une sorte de pot-pourri en un gros volume, les Petites-Maisons du Parnasse, avec cette épigraphe : « Mes amis, n’en doutons plus, cet homme-ci est fou, dans toute la force du terme. » Jamais épigraphe ne dit plus vrai : les Petites-Maisons du Parnasse sont écrites dans un style qui n’appartient à rien de connu. À peine si deux ou trois épigrammes spirituellement tournées surnagent seules dans un flot de vers tombés de sa plume avec une profusion désespérante. J’ignore si l’ouvrage obtint du succès, mais à coup sûr ce ne dut être qu’un succès de stupéfaction. Il l’avait proposé à plusieurs libraires de Paris, qui avaient refusé de l’imprimer, sous des raisons spécieuses, mais polies ; un seul, plus goguenard que les autres, crut devoir accompagner son refus de la missive suivante :