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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

Je me rendis chez mon créancier de la rue des Bourdonnais.

— Mon cher ami, lui dis-je, je vous dois une misère, une bagatelle, n’est-ce pas ?

— Oui, me répondit-il en soupirant ; quatre mille livres !

— Depuis combien de temps ?

— Depuis neuf ans.

— Eh bien, repris-je, je viens m’acquitter envers vous.

Le marchand jeta un coup d’œil de côté sur mon habit, lequel commençait à montrer la corde, haussa les épaules et fit mine de retourner à son aune.

Je le retins par le bras.

— Attendez, lui dis-je, et suivez mon plan. C’est de quatre mille livres que je suis votre débiteur ; c’est de trente mille livres que je vais vous signer une obligation.

— Autre folie ! murmura mon homme.

— Mais à la condition que vous me poursuivrez immédiatement et sans pitié, que vous obtiendrez sentence contre moi et que vous me ferez enfermer dans le plus bref délai. Voulez-vous ?

— C’est une raillerie, monsieur le chevalier.

— C’est un marché, monsieur le marchand.

Il me regarda cette fois bien en face, et, me trouvant apparemment l’air qui convient à un individu qui traite d’affaires sérieuses, il consentit à écouter mes propositions.

En conséquence, et selon mes désirs, un beau matin je me vis enlever des bras de la maréchale et conduit impitoyablement en prison, à la requête du