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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

Ainsi finit, — à mon honneur, — ce débat si longtemps prolongé. À Venise, je n’en aurais pas été quitte à moins d’un coup de stylet ; mais nous étions à Paris, et la Frétillon n’avait pas de sbires à ses ordres.

VIII

LA JOUEUSE DE GUITARE

Ces choses se passaient en 1766.

Je travaillais alors à une volumineuse histoire du théâtre, qui n’a jamais été imprimée, — et c’est dommage.

Toutes mes journées étaient prises par ce labeur ; mon unique distraction, le soir, était d’aller faire ma partie de trictrac, au café, avec le chevalier de Mouhy ou avec le petit Poinsinet.

Une fois, la partie s’étant prolongée plus tard que de coutume, je me trouvai attardé dans les rues. J’avais bien à mon côté de quoi défier les mauvaises rencontres, mais je n’avais pas de quoi défier l’hiver, qui commençait a faire sentir sa maligne influence ; en un mot, j’étais sans manteau, et, moitié pestant, moitié grelottant, je regagnais à pas pressés mon logis.

Je demeurais alors rue du Plat-d’Étain.

La nuit était tellement profonde que je distinguais à peine ma maison.

Au moment où j’allais soulever le marteau de la porte, mes pieds heurtèrent contre un corps inanimé, étendu sur le seuil. Je me baissai, mes mains rencontrèrent une robe et une guitare ; — je me rappe-