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GORJY.

de théâtre des Beaujolais. C’est là qu’au bout de trois ans nous retrouvons Gorjy, assis dans un coin de la salle, et regardant fort attentivement jouer une comédie-proverbe de sa composition, les Amours d’Arlequin et de Séraphine. J’ai tout lieu de croire que c’était un jeune homme très-bon et sincèrement naïf : la passion des marionnettes n’a jamais été l’indice d’un méchant caractère. Sa pièce a été imprimée par Cailleau, mais elle est difficile à rencontrer[1].

Dans la même année, il publia sous le titre de Blançay un roman en deux volumes in-18, qui commença sa réputation. Au risque d’étonner bien des gens, nous dirons que peu de romans français ont eu autant d’éditions que celui-là. Les bibliothèques de campagne et de province, ainsi que les greniers des bouquinistes, sont littéralement inondés d’exemplaires de Blançay, reliés la plupart en veau écaillé, avec l’inévitable petit signet vert. Il est juste de dire que cet ouvrage, fort simple d’invention, contient des pages vraiment attachantes, des peintures vraies, un dialogue heureusement étudié, de la gaieté, — mais avec discrétion cependant, — et, par-dessus tout, un franc sentiment d’honnêteté. L’intrigue, un peu lente, a le charme impatientant de certaines œuvres de Stendhal ; c’est presque le même style menu, ras, n’enveloppant la pensée qu’à demi, accueillant avec défiance les ornements. Je ne m’avance pas trop en comparant, seulement pour la forme, Gorjy à Stendhal. Il y a dans Blançay maints portraits at-

  1. On lui attribue aussi les Torts apparents ou la Famille américaine, comédie en prose et en trois actes, par M. G…y ; représentée sur le théâtre du Palais-Royal, le 15 mars 1787. Cailleau, libraire.