Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
GORJY.

part chacun des convives. Si, par un reste d’habitude, quelqu’un laisse échapper ce vieux cri : Le roi boit ! il devient à l’instant le plastron de toute la compagnie. i’Ann’quin ne peut s’empêcher de faire la grimace, mais cela devient bien pire au dessert : une dispute s’élevant entre les assistants achève de lui faire connaître combien il est fâcheux d’avoir la fève, car, par suite d’un nouvel usage, c’est lui qui se voit obligé de payer les pots cassés. « . Mademoiselle, dit-il à la compagne qu’il s’est donnée, je comprends en effet que je vous ai joué un bien mauvais tour ; pardonnez-moi de vous avoir faite reine. »

Ces allusions à une monarchie aux abois sont fréquentes dans l’ouvrage de Gorjy, et elles se reproduisent sous différentes formes. Le crescendo de la Révolution s’y fait sentir avec force, principalement dans le cinquième et le sixième tome, où, dégradation en gradation, nous arrivons jusqu’au pied de la guillotine, — mais quelle guillotine ! — Jamais l’invention du célèbre docteur n’a été tournée en ridicule d’une manière plus pittoresque.

Représentez-vous d’abord une estrade fort élevée, pavée en marqueterie superbe, figurant les sujets les plus gais ; tout autour une balustrade d’azur, ornée de guirlandes de fleurs ; au milieu deux colonnes de lapis cannelées d’or ; sur ces colonnes, au lieu d’entablement, une hache de grenat… Mais laissons parler l’inventeur lui-même ; il est là sur l’estrade, et, péroreur par essence, après avoir jeté un regard complaisant sur la foule populacière qui l’environne, il commence ainsi : « Mes chers frères, en ma qualité de docteur-machiniste, je suis parvenu à inventer, avec mon teinturier, la ravissante machine que