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DORVIGNY.

bouteille à quinze, et qui, n’ayant plus d’argent, attend qu’il fasse jour pour aller s’installer dans une auberge, « parce que, dans les cabarets, on ne paye qu’en sortant, et moi je ne sortirai pas. »

Janot devait tout naturellement trouver place dans le Tableau de Paris de Mercier. On l’y rencontre en effet au commencement du huitième volume, dans un article intitulé : Voltaire et Janot, dont j’extrais ces quelques lignes :

« Janot fut le vrai successeur de Voltaire ; trois mois après le triomphe de Voltaire, le Parisien, oubliant les trente-neuf académiciens qui restaient, accueillit ce Janot avec le même enthousiasme. Il jouait dans une farce qui, plus heureuse qu’Irène, eut cinq cents représentations. L’idiome de la dernière classe du peuple s’y trouvait exprimé au naturel ; et le jeu naïf de l’acteur, son accent sûr formaient un tableau qui, dans sa bassesse, avait un mérite extrêmement rare sur la bcène française, la parfaite vérité. »

Mais tout le mond’  chez nous était en proie
À la douleur de ce funeste jour ;
Moi, qu’avais faim, j’m’en fus chercher notre oie
Chez l’pâtissier, qu’ j’avais fait cuire au four.

Mais, en rentrant, ma mère était rev’nue.
Et tout le mond’  commençait à s’asseoir ;
Nous mangeâm’  l’oie, avec de la morue,
En compagni’, qu’était bouilli’  du soir.

Mais v’là-t-y pas qu’pour prouver mon adresse,
Je renversai les assiett’  et les plats ;
Je fis un’  tache à ma veste, de graisse,
Sur ma culotte et mes jambes, de drap ;

Et sur les bas que mon grand-pèr’ , de laine,
M’avait donnés avant d’inourir, violets ;
L’pauvre cher homme est mort d’une migraine
En t’nant un’  cuiss’, dans sa bouch’, de poulet.