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LA MORENCY.

mocrates dans leur déshabillé. Rendons grâce à la Morency pour les confidences qui nous sont arrivées par elle.

Un matin, le tribun soissonnais amena à déjeuner un de ses collègues, Hérault de Séchelles, le plus beau et le plus séduisant des députés. De la part d’un mari le trait eût été excusable, mais d’un amant c’était plus que maladroit. Suzanne avait fait une toilette assez gentille : une robe à la Coblentz grise et rose, une ceinture blanche, les cheveux coiffés. Hérault de Séchelles, qui avait un cœur inflammable, s’éprit d’elle aussitôt. Pendant le déjeuner, il ne tarit pas en propos galants et fut aux petits soins. Quinette, reconnaissant son imprudence un peu trop tard, essaya de porter la conversation sur madame de Sainte-Amaranthe, qui passait alors pour la maîtresse en titre de Séchelles, mais ce fut vainement ; un lien sympathique s’était déjà établi entre Suzanne et l’aimable roué. À un moment où Quinette se baissait pour arranger le feu, Hérault de Séchelles aperçut un portrait sur la cheminée ; il le prit, le porta à ses lèvres et le glissa dans sa poitrine. « Mon ami, on te vole… » murmura Suzanne ; mais Hérault lui ferma la bouche avec la main, et elle n’eut pas la force de la rouvrir.

Ce nouvel engagement n’eut pas cependant de conclusion trop affligeante pour Quinette : de part et d’autre, on en resta aux termes de l’amour pur. Il est vrai aussi que les événements marchaient avec une rapidité qui absorbait tous les loisirs des représentants du peuple ; peut-être faut-il chercher là-dedans la véritable cause du salut de Nicolas Quinette. Huit jours ne s’étaient point passés, que Suzanne