Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/388

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
374
OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

car ils n’ont pas été joués, à l’exception de deux : le Comte de Comminges, qui lui valut de Marie-Antoinette une gratification de cent louis, et la Mort de Coligny, que la Révolution permit de représenter sur le théâtre Molière.

Drames et romans sont écrits dans ce style attendri, désolé, qui se nourrit de points d’exclamation, d’hélas, de soupirs, et dont l’humidité larmoyante traverse les plus solides reliures. Je n’ai jamais rencontré, même dans les bibliothèques les mieux exposées, un exemplaire complètement sec des Délassements de l’homme sensible.

Baculard a cherché plusieurs fois à s’excuser de cette sensibilité profonde : « Les anciens, dit-il, qui connaissaient si bien la nature, n’ont pas manqué de nous présenter leurs héros faciles à s’attendrir ; Achille verse des pleurs lorsqu’on lui apprend la mort de son ami Patrocle ; Énée a presque toujours les yeux mouillés de larmes, ce qu’ont reproché à Virgile plusieurs de nos beaux-esprits[1]. »

Malgré d’incontestables succès, malgré les protections de cour et les secours de tous les gouvernements sous lesquels il s’est perpétué, Baculard d’Arnaud a toujours vécu dans une presque indigence. On s’est longtemps amusé de ses amours intéressées avec une rôtisseuse de la rue de la Huchette :

Là soupirait, à côté d’un gigot,
Le doux Arnaud, le lamentable Arnaud…

dit le jésuite Du Laurens, dans la Chandelle d’Arras. Baculard ne bougeait pas de la boutique. C’était

  1. Épreuves du sentiment, tome I ; avertissement.