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OUBLIÉS ET DEDAIGNÉS.

avec Zélie, une somme de cent mille livres. Ces griefs, à la réalité desquels je me refuse, sont reproduits fréquemment dans les feuilles du temps, — ainsi que l’anecdote du soufflet qu’il reçut en pleine rue, à Londres, du pamphlétaire Thévenot de Morande.

Enfin, — car j’ai hâte d’en finir avec ces tristes choses, je trouve, dans la Police dévoilée, de Manuel, le récit des torts vrais ou supposés que Linguet eut envers Dorat, surnommé par lui l’Ovide français, torts qui lui ont été reprochés même au Palais. Il s’agissait de cent louis, que Dorat l’accusait d’avoir enlevés à sa cassette (Dorat et cent louis ! Dorat, mort avec plus de cent mille livres de dettes ! Dorat volé !) alors qu’ils vivaient tous deux sous le même toit et qu’ils collaboraient à des comédies. Ce débat, déshonorant pour les lettres, occupa les badauds pendant quelques jours.

L’avocat écrivait au mousquetaire :

« Le courage et la vérité sont calmes ; les transports de fureur ne vont qu’au mensonge et à la lâcheté. Ne vous présentez jamais devant moi ; d’après vos lettres, qui ne sortiront plus de ma poche, il n’y a pas de considération qui pût m’empêcher de vous faire éprouver l’ascendant qu’a un galant homme sur un lâche, ni de loi qui pût me punir de m’être fait justice. »

Le mousquetaire répondait à l’avocat :

« Un petit ex-avocat, chassé, conspué et couvert du mépris public, ne doit point parler d’honneur. Encore une fois, ce que vous savez serait la seule arme dont je puisse me servir avec une espèce telle que vous ; mais quand je vous aurais battu, vous n’en seriez pas moins un fripon.