Page:Monselet - Rétif de la Bretonne, 1858.djvu/18

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terreux de Rétif de la Bretonne, imprimés avec des têtes de clou.

Du jour où ce fut le peuple qui se prit à lire, il fallut au peuple des ouvrages de haute saveur. Le roman eut ses père Duchesne, mais ses père Duchesne de bonne foi. Or, Rétif de la Bretonne, c’est le peuple-auteur. La France savante et lettrée, la France de l’Institut, la France qui n’a pas cessé de porter du linge blanc sous sa carmagnole, cette France-là n’a jamais eu pour lui que surprise ou dédain. Il n’y a que la France ignorante, la France des boutiques et des mansardes, qui ait lu, qui ait acheté et qui ait fait vivre Rétif de la Bretonne et sa littérature ; puis aussi la province et l’étranger, qui repoussent si souvent ce que nous admirons et qui se passionnent plus encore pour ce qui nous répugne. Voilà ceux qui ne lui ont pas ri au nez, qui ne lui ont pas craché au visage, qui ne lui ont pas dit : Diogène littéraire, rentre dans ta niche. S’ils ont eu tort ou raison, c’est ce que nous allons voir. Auparavant, hâtons-nous de détruire en partie ce préjugé fatal qui consiste pour beaucoup de personnes à regarder l’auteur des Contemporaines comme un écrivain exclusivement infâme, perdu, horrible, souillé, impossible à lire, comme un romancier lépreux dont le nom salit la mémoire.