Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 1.djvu/209

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chercher, que le monde parle de vous, mais comme il faut que vous parliez à vous mesmes. Retirez vous en vous, mais preparez vous premierement de vous y recevoir : ce seroit folie de vous fier à vous mesmes, si vous ne vous sçavez gouverner. Il y a moyen de faillir en la solitude comme en la compagnie. Jusques à ce que vous vous soiez rendu tel, devant qui vous n’osiez clocher, et jusques à ce que vous ayez honte et respect de vous mesmes, observentur species honestae animo, presentez vous tousjours en l’imagination Caton, Phocion et Aristides, en la presence desquels les fols mesmes cacheroient leurs fautes, et establissez les contrerolleurs de toutes vos intentions : si elles se detraquent, leur reverence les remettra en train. Ils vous contiendront en cette voie de vous contenter de vous mesmes, de n’emprunter rien que de vous, d’arrester et fermir vostre ame en certaines et limitées cogitations où elle se puisse plaire ; et ayant entendu les vrays biens, desquels on jouit à mesure qu’on les entend, s’en contenter, sans desir de prolongement de vie ny de nom. Voylà le conseil de la vraye et naifve philosophie, non d’une philosophie ostentatrice et parliere, comme est celle des deux premiers.



Chapitre 40 :
Consideration sur Cicéron



ENcor’ un traict à la comparaison de ces couples. Il se tire des escris de Cicero et de ce Pline (peu retirant, à mon advis, aux humeurs de son oncle), infinis tesmoignages de nature outre mesure ambitieuse : entre autres qu’ils sollicitent, au sceu de tout le monde, les historiens de leur temps de ne les oublier en leurs registres ; et la fortune, comme par despit, a faict durer jusques à nous la vanité de ces requestes, et pieça faict perdre ces histoires. Mais cecy surpasse toute bassesse de cœur, en personnes de tel rang, d’avoir voulu tirer quelque principale gloire du caquet et de la