Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 2.djvu/329

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criminels ; mais dépuis on y employa des serfs innocens, et des libres mesmes qui se vendoyent pour cet effect ; jusques à des Senateurs et Chevaliers Romains, et encore des femmes :

Nunc caput in mortem vendunt, et funus arenae,
Atque hostem sibi quisque parat, cum bella quiescunt.
Hos inter fremitus novosque lusus,
Stat sexus rudis insciusque ferri,
Et pugnas capit improbus viriles.

Ce que je trouverois fort estrange et incroyable si nous n’estions accoustumez de voir tous les jours en nos guerres plusieurs miliasses d’hommes estrangiers, engageant pour de l’argent leur sang et leur vie à des querelles où ils n’ont aucun interest.


De la grandeur Romaine
Chap. XXIIII.



JE ne veus dire qu’un mot de cet argument infiny, pour montrer la simplesse de ceux qui apparient à celle là les chetives grandeurs de ce temps. Au septiesme livre des epitres familieres de Cicero (et que les grammairiens en ostent ce surnom de familieres, s’ils veulent, car à la verité il n’y est pas fort à propos ; et ceux qui, au lieu de familieres, y ont substitué ad familiares, peuvent tirer quelque argument pour eux de ce que dit Suetone en la vie de Caesar, qu’il y avoit un volume de lettres de luy ad familiares), il y en a une qui s’adresse à Caesar estant lors en la Gaule, en laquelle Cicero redit ces mots, qui estoyent sur la fin de un’autre lettre que Caesar luy avoit escrit : Quant à Marcus Furius, que tu m’as recommandé, je le feray Roy de Gaule ; et si tu veux que j’advance quelque autre de tes amis, envoye le moy. Il n’estoit pas nouveau à un simple cytoien Romain, comme estoit lors Caesar, de disposer des Royaumes, car il osta bien au