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ESSAIS DE MONTAIGNE.

belles par apparence qu’elles soient d’ellos-mêmcs, il en rejette la cause à quelque occasion vicieuse ou à quelque profit. Il est impossible d’imaginer que, parmi cet infini nombre d’actions de quoi il juge, il n’y en ait eu quelqu’une produite par la voie de la raison : nulle corruption ne peut avoir saisi les hommes si universellement que quelqu’un n’échappe de la contagion. Cela me fait craindre qu’il n’y ait un peu du vice de son goût ; et peutêtre advenu qu’il ait estimé d’autrui selon soi. »

En mon Philippe de Comines, il y a ceci : « Vous y trouverez le langage doux et agréable, d’une naïve simplicité, la narration pure, et en laquelle la bonne foi de l’auteur reluit évidemment, exempte de vanité parlant de soi et d’affection et d’envie parlant d’autrui ; ses discours et exhortements, accompagnés plus de bon zèle et de vérité que d’aucune exquise suffisance ; et, tout partout, de l’autorité et gravité, représentant son homme de bon lieu, et élevé aux grandes affaires. »

Sur les mémoires de messieurs du Bellay : « C’est toujours plaisir de voir les choses écrites par ceux qui ont essayé comme il les faut conduire ; mais il ne se peut nier qu’il ne se découvre évidemment en ces deux seigneurs-ci un grand déchet de la franchise et liberté d’écrire qui reluit ès-anciens de leur sorte, comme au sire de Joinville, domestique de saint Louis, Eginhard, chancelier de Charlemagne, et, de plus fraîche mémoire, en Philippe de Comines. C’est ici plutôt un plaidoyer pour le roi François contre l’empereur Charles cinquième qu’une histoire. Je ne veux pas croire qu’ils aient rien changé quant au gros du fait ; mais de contourner le jugement des événements, souvent contre raison, à notre