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LETTRES PERSANES.


armées sont aussi nombreuses, ses ressources aussi grandes, et ses finances aussi inépuisables. [1]

De Paris, le 7 de la lune de maharram, 1713.

  1. On a reproché à Montesquieu sa sévérité pour Louis XIV : les hommes du XVIIIe siècle étaient plus indulgents pour le grand roi ; on n’a qu’à lire Voltaire sur ce point ; mais Montesquieu avait des idées arrêtées sur ce régne qui éblouissait les contemporains de Louis XV ; on peut rapprocher de cette lettre le portrait de Louis XIV, conservé dans les Pensées diverses de l’auteur.

    « Louis XIV, ni pacifique, ni guerrier ; il avait les formes de la justice, de la politique, de la dévotion, et l’air d’un grand roi. Doux avec ses domestiques, libéral avec ses courtisans, avide avec ses peuples, inquiet avec ses ennemis, despotique dans sa famille, roi dans sa cour, dur dans ses conseils, enfant dans celui de conscience, dupe de tout ce qui joue le prince : les ministres, les femmes et les dévots. Toujours gouvernant et toujours gouverné, malheureux dans ses choix, aimant les sots, souffrant les talents, craignant l’esprit ; sérieux dans ses amours, et dans son dernier attachement faible à faire pitié. Aucune force d’esprit dans les succès ; de la sécurité dans les revers, du courage dans sa mort. Il aima la gloire et la religion ; et on l’empêcha toute sa vie de connaître ni l’une ni l’autre. Il n’aurait eu presque aucun de ces défauts, s’il avait été un peu mieux élevé, et s’il avait eu un peu plus d’esprit. Il avait l’âme plus grande que l’esprit ; Mme de Maintenon abaissait sans cesse cette âme pour la mettre à son point. »