LETTRE XL.
USBEK A IBBEN.
A SMYRNE.
Dès qu’un grand est mort, on s’assemble dans une mosquée, et l’on fait son oraison funèbre, qui est un discours à sa louange, avec lequel on serait bien embarrassé de décider au juste du mérite du défunt.
Je voudrais bannir les pompes funèbres. Il faut pleurer les hommes à leur naissance, et non pas à leur mort. A quoi servent les cérémonies, et tout l’attirail lugubre qu’on fait paraître à un mourant dans ses derniers moments, les larmes même de sa famille, et la douleur de ses amis, qu’à lui exagérer la perte qu’il va faire ?
Nous sommes si aveugles, que nous ne savons quand nous devons nous affliger, ou nous réjouir ; nous n’avons presque jamais que de fausses tristesses, ou de fausses joies.
Quand je vois le Mogol, [1] qui, toutes les années, va sottement se mettre dans une balance, et se faire peser [2] comme un bœuf ; quand je vois les peuples se réjouir de