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LETTRE LXII.



LETTRE LXII.

ZÉLIS A USBEK.


A PARIS.



Ta fille ayant atteint sa septième année, j’ai cru qu’il était temps de la faire passer dans les appartements intérieurs du sérail, et de ne point attendre qu’elle ait dix ans pour la confier aux eunuques noirs. On ne saurait de trop bonne heure priver une jeune personne des libertés de l’enfance, et lui donner une éducation sainte dans les sacrés murs où la pudeur habite.

Car je ne puis être de l’avis de ces mères, qui ne renferment leurs filles que lorsqu’elles sont sur le point de leur donner un époux ; qui, les condamnant au sérail plutôt qu’elles ne les y consacrent, leur font embrasser violemment une manière de vie qu’elles auraient dû leur inspirer. Faut-il tout attendre de la force de la raison, et rien de la douceur de l’habitude ?

C’est en vain que l’on nous parle de la subordination où la nature nous a mises ; ce n’est pas assez de nous la faire sentir, il faut nous la faire pratiquer, afin qu’elle nous soutienne dans ce temps critique, où les passions commencent à naître, et à nous encourager à l’indépendance.