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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t1.djvu/269

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LETTRE LXXIII.





LETTRE LXXIII.

RICA A ***.



J’ai ouï parler d’une espèce de tribunal qu’on appelle l’Académie française. Il n’y en a point de moins respecté dans le monde ; car on dit qu’aussitôt qu’il a décidé, le peuple casse ses arrêts, et lui impose des lois qu’il est obligé de suivre.

Il y a quelque temps que pour fixer son autorité il donna un code de ses jugements. [1] Cet enfant de tant de pères était presque vieux quand il naquit ; et, quoiqu’il fût légitime, un bâtard, [2] qui avait déjà paru, l’avait presque étouffé dans sa naissance.

Ceux qui le composent n’ont d’autre fonction que de jaser sans cesse : l’éloge va se placer, comme de lui-même, dans leur babil éternel ; et sitôt qu’ils sont initiés dans ses mystères, la fureur du panégyrique vient les saisir et ne les quitte plus.

Ce corps a quarante têtes, toutes remplies de figures, de métaphores et d’antithèses. Tant de bouches ne parlent

  1. Le Dictionnaire da l’Académie.
  2. Le Dictionnaire de Furetière, publié en 2 vol. in-folio. L’auteur fut exclu de l’Académie en 1685, parce qu’on l’accusa d’avoir profité du travail de ses confrères pour composer le Dictionnaire universel qui porte son nom.