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DE M. DE MONTESQUIEU.


d’esprit philosophique n’en faisait usage. Mais si un tel système était jamais formé, ce serait à l’autorité d’en faire la loi universelle ; de faire comprendre l’avantage de cette nouvelle législation, ou en tout cas de la faire observer. Il est des occasions où le souverain peut voir si évidemment le bonheur d’un peuple, qu’après avoir voulu l’éclairer, il doit le faire obéir.

Comme le plan de M. de Montesquieu renfermait tout ce qui peut être utile au genre humain, il n’a pas oublié cette partie essentielle qui regarde le commerce, les finances, la population, science si nouvelle parmi nous qu’elle n’y a point encore de nom. [1] C’est chez nos voisins qu’elle est née, et elle y demeura jusqu’à ce que M. Melon lui fit passer la mer. [2] Ce n’est point dans ce moment l’amitié qui m’aveugle, ni la mémoire d’un ami qui est mort entre mes bras ; mais je ne craindrai point de mettre son Essai politique sur le commerce au rang de ce qu’il y a de mieux en ce genre dans le livre de l’Esprit des lois. Cette science négligée, ou plutôt entièrement omise par les anciens, est une de celles qui demandent le plus de pénétration et le plus de justesse, et est sans contredit une des plus utiles ; ses problèmes, plus compliqués que les problèmes les plus difficiles de la géométrie et de l’algèbre, ont pour objet la richesse des nations, leur puissance et leur bonheur. Le même amour du bien public, qui fit entreprendre à M. de Montesquieu son ouvrage, avait porté M. Melon à donner le sien ; des lumières égales lui avaient assuré les mêmes succès. Ces deux hommes eurent le même genre d’étude, les mêmes talents, les mêmes agréments de l’esprit, vécurent dans les mêmes sociétés, et malgré tout cela furent toujours amis.

Si l’ouvrage de M. de Montesquieu n’est pas ce système de

  1. C’est l’économie politique.
  2. G.-F. Melon, premier commis de Dubois et de Law, mort en 1738. Dans son Essai, publié en 1734, il a fait l’éloge du système mercantile. Il est probable que Montesquieu lui a emprunté plusieurs de ses idées, ou de ses erreurs, sur le commerce et sur le caractère de la monnaie.