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PRÉFACE DE L’ÉDITEUR
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Dans ses curieux Mémoires, l'avocat Marais écrit ce qui suit, à la date du 10 avril 1725 :

Temple de Gnide, 82 pages. — Temple de Gnide, petit livret à demi grec, où les allusions couvrent des obscénités à demi nues. Imprimé avec approbation et privilège. Il a paru pendant la semaine sainte, et il (on) en a été scandalisé. On l'attribue au président de Montesquieu, auteur des Lettres persanes, (Il a été depuis de l’Académie françoise[1].)

Le 5 avril, Marais avait déjà annoncé cette nouvelle à son bon ami, le président Bouhier.

« On débite un petit ouvrage de 82 pages in-12, avec approbation et privilège, qui a pour titre le Temple de Gnide, qu’on veut faire croire traduit du grec, et trouvé dans la bibliothèque d'un évêque grec ; mais cela sort de la tête de quelque libertin, qui a voulu envelopper des ordures sous des allégories, et qui n'y a pas mal réussi, s’il n’avoit pas voulu avoir trop d'esprit, et affecter d’autres fois une simplicité qui le fait tomber dans des pensées grossières. Si ce manuscrit s'étoit trouvé dans la bibliothèque de Ninon, Je n’en serois pas étonné ; mais je le suis de voir, au milieu de Paris et de la semaine sainte, un pareil ouvrage approuvé. L’addition de la fin[2], où l'Amour fait revenir ses ailes sur le sein de Vénus, n’est pas mal friponne ; et les femmes disent qu’elles veulent apprendre le grec, puisqu’on y trouve de si jolies cures[3]. »

Marais, admirateur de La Fontaine et de Bayle, Marais, grand dénicheur de scandales, a-t-il été aussi choqué du Temple de

  1. Mémoires de Marais, t. III, p. 174. On avait attribué le Temple de Gnide au président Hénault ; Marais, bon connaisseur, n’en veut rien croire. On dit que le Temple de Gnide est de l’auteur des Lettres persanes ; cela peut être. D’autres disent du président Hénault ; je n’en crois rien ; il est trop françois pour donner un air grec à un ouvrage. » Ibid., t III, p. 815.
  2. Ce que Marais appelle l'addition de la fin est le petit poème de Céphise et l’Amour, publié à la suite du Temple de Gnide.
  3. Mémoires de Marais, t. III, p. 312.