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GRANDEUR ET DÉCADENCE


donner leurs prétentions et leurs espérances, s’obstinaient à travailler à l’asservir.

La Macédoine était presque entourée de montagnes inaccessibles ; les peuples en étaient très propres à la guerre, courageux, obéissants, industrieux, infatigables, et il fallait bien qu’ils tinssent ces qualités-là du climat, puisque encore aujourd’hui les hommes de ces contrées sont les meilleurs soldats de l’empire des Turcs.

La Grèce se maintenait par une espèce de balance : les Lacédémoniens étaient, pour l’ordinaire, alliés des Étoliens, et les Macédoniens l’étaient des Achaïens ; mais, par l’arrivée des Romains, tout équilibre fut rompu.

Comme les rois de Macédoine ne pouvaient pas entretenir un grand nombre de troupes[1], le moindre échec était de conséquence ; d’ailleurs, ils pouvaient difficilement s’agrandir, parce que, leurs desseins n’étant pas inconnus, on avait toujours les yeux ouverts sur leurs démarches, et les succès qu’ils avaient dans les guerres entreprises pour leurs alliés étaient un mal que ces mêmes alliés cherchaient d’abord à réparer.

Mais les rois de Macédoine étaient ordinairement des princes habiles. Leur monarchie n’était pas du nombre de celles qui vont par une espèce d’allure donnée dans le commencement : continuellement instruits par les périls et par les affaires, embarrassés dans tous les démêlés des Grecs, il leur fallait gagner les principaux des villes, éblouir les peuples, et diviser ou réunir les intérêts ; enfin, ils étaient obligés de payer de leur personne à chaque instant[2].

  1. Voyez Plutarque, Vie de Flaminius. (M.)
  2. Ces rois de Macédoine étoient ce qu’est un roi de Prusse et un roi de Sardaigne de nos jours. (Frédéric II.)