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PRÉFACE DU TRADUCTEUR.

On ne sait ni le nom de l’auteur, ni le temps auquel il a vécu. Tout ce qu’on en peut dire, c’est qu’il n’est pas antérieur à Sapho, puisqu’il en parle dans son ouvrage[1].

Quant à ma traduction, elle est fidèle. J’ai cru que les beautés qui n’étoient point dans mon auteur, n’étoient point des beautés ; et j’ai souvent quitté l’expression la moins vive, pour prendre celle qui rendoit mieux sa pensée[2].

J’ai été encouragé à cette traduction par le succès qu’a eu celle du Tasse. Celui qui l’a faite ne trouvera pas mauvais que je coure la même carrière que lui. Il s’y est distingué d’une manière à ne rien craindre de ceux même à qui il a donné le plus d’émulation[3].

Ce petit roman[4] est une espèce de tableau où l’on a peint avec choix les objets les plus agréables. Le public y a trouvé des idées riantes, une certaine magnificence dans les descriptions, et de la naïveté dans les sentiments.

Il y a trouvé un caractère original, qui a fait demander aux critiques quel en étoit le modèle : ce qui devient un grand éloge, lorsque l’ouvrage n’est pas méprisable d’ailleurs.

Quelques savants n’y ont point reconnu ce qu’ils appellent

    il en dit un mot, afin qu’on sache qu’il a été fait : et il n’en dit pas davantage, pour ne pas tomber dans une uniformité vicieuse.
    Le dessein du poème est de faire voir que nous sommes heureux par les sentiments du cœur, et non pas par les plaisirs des sens ; mais que notre bonheur n’est jamais si pur qu’il ne soit troublé par les accidents.
    Il faut remarquer que les chants ne sont point distingués dans la traduction : la raison en est que cette distinction ne se trouve pas dans le manuscrit grec, qui est très-ancien. On s’est contenté de mettre une note à la marge au commencement de chaque chant.

  1. A ajoute : il y a même lieu de croire qu’il vivoit avant Térence, et que ce dernier a imité un passage qui est à la fin du second chant. Car il ne paroit pas que notre auteur soit plagiaire ; au lieu que Térence a volé les Grecs, jusqu’à insérer dans une seule de ses comédies deux pièces de Ménandre.
    J’avois d’abord eu dessein de mettre l’original à côté de la traduction ; mais on m’a conseillé d’en faire une édition à part, et d’attendre les savantes notes qu’un homme d’érudition y prépare, et qui seront bientôt en état de voir le jour.
  2. A. Et j’ai pris l’expression qui n’étoit pas la meilleure, lorsqu’elle m’a paru mieux rendre sa pensée.
  3. Cette traduction de la Jérusalem délivrée, publiée en 1724, était de J.-B. de Mirabaud, qui fut plus tard secrétaire perpétuel de l’Académie française. Après la mort de ce Mirabaud, c’est sous son nom qu’on publia le Système de la nature, du baron d’Holbach.
  4. Tout ce qui suit est une seconde préface qui a paru pour la première fois dans l’édition de 1743.