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DES ROMAINS, CHAP. XVI.


avait tant donné, lui fit bâtir un temple et y établit des prêtres flamines en son honneur[1].

Cela fit que sa mémoire ne fut pas flétrie, et que, le Sénat n’osant pas le juger, il ne fut pas mis au rang des tyrans, comme Commode, qui ne le méritait pas plus que lui[2].

De deux grands empereurs, Adrien et Sévère[3], l’un établit la discipline militaire, et l’autre la relâcha. Les effets répondirent très bien aux causes : les règnes qui suivirent celui d’Adrien furent heureux et tranquilles ; après Sévère, on vit régner toutes les horreurs.

Les profusions de Caracalla envers les soldats avaient été immenses, et il avait très bien suivi le conseil que son père lui avait donné en mourant, d’enrichir les gens de guerre et de ne s’embarrasser pas des autres.

Mais cette politique n’était guère bonne que pour un règne : car le successeur, ne pouvant plus faire les mêmes dépenses, était d’abord massacré par l’armée ; de façon qu’on voyait toujours les empereurs sages mis à mort par les soldats, et les méchants, par des conspirations ou des arrêts du Sénat.

Quand un tyran qui se livrait aux gens de guerre avait laissé les citoyens exposés à leurs violences et à leurs rapines, cela ne pouvait non plus durer qu’un règne : car les soldats, à force de détruire, allaient jusqu’à s’ôter à eux-mêmes leur solde. Il fallait donc songer

  1. A : Caracalla, pour diminuer l'horreur de son action, mit Géta au rang des dieux, et ce qu'il y a de singulier, etc... voulant apaiser les soldats prétoriens qui regrettoient ce prince, qui, etc.
  2. Ælius Lampridius, in Vita Alex. Severi. (M.)
  3. Voyez l’Abrégé de Xiphilin, Vie d’Adrien, et Hérodien, Vie de Sévère. (M.)