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GRANDEUR ET DÉCADENCE


l’enceinte de Rome ne fût pas à beaucoup près si grande qu’elle est à présent, les faubourgs en étaient prodigieusement étendus[1] : l’Italie, pleine de maisons de plaisance, n’était proprement que le jardin de Rome ; les laboureurs étaient en Sicile, en Afrique, en Égypte[2] ; et les jardiniers, en Italie. Les terres n’étaient presque cultivées que par les esclaves des citoyens romains. Mais, lorsque le siège de l’empire fut établi en Orient, Rome presque entière[3] y passa : les Grands y menèrent leurs esclaves, c’est-à-dire presque tout le peuple, et l’Italie fut privée de ses habitants.

Pour que la nouvelle ville ne cédât en rien à l’ancienne, Constantin voulut qu’on y distribuât aussi du blé, et ordonna que celui d’Égypte serait envoyé à Constantinople, et celui de l’Afrique, à Rome ; ce qui, me semble, n'étoit pas fort sensé.

Dans le temps de la République, le peuple romain, souverain de tous les autres, devait naturellement avoir part aux tributs ; cela fit que le Sénat lui vendit d’abord du blé à bas prix et ensuite le lui donna pour rien. Lorsque le Gouvernement fut devenu monarchique, cela subsista contre les principes de la monarchie ; on laissait cet abus à cause des inconvénients qu’il y aurait eus à le changer. Mais Constantin, fondant une ville nouvelle, l’y établit sans aucune bonne raison.

Lorsque Auguste eut conquis l’Égypte, il apporta à

  1. Exspatiantia tecta multas addidere urbes, dit Pline, Hist. nat., liv. III (M.)
  2. On portait autrefois d’Italie, dit Tacite, du blé dans les provinces reculées, et elle n’est pas encore stérile ; mais nous cultivons plutôt l’Afrique et l’Égypte, et nous aimons mieux exposer aux accidents la vie du peuple romain. Annales, liv. XII, ch. XLIII. (M.)
  3. A Rome preque entière.