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DES ROMAINS, CHAP. XIX.

La Scythie, dans ces temps-là, étant presque toute inculte[1], les peuples y étaient sujets à des famines fréquentes ; ils subsistaient en partie par un commerce avec les Romains, qui leur portaient des vivres des provinces voisines du Danube[2]. Les Barbares donnaient en retour les choses qu’ils avaient pillées, les prisonniers qu’ils avaient faits, l’or et l’argent qu’ils recevaient pour la paix. Mais, lorsqu’on ne put plus leur payer des tributs assez forts pour les faire subsister, ils furent forcés de s’établir[3].

L’empire d’Occident fut le premier abattu ; en voici les raisons.

Les Barbares, ayant passé le Danube, trouvaient à leur gauche le Bosphore, Constantinople et toutes les forces de l’empire d’Orient qui les arrêtaient. Cela faisait qu’ils se tournaient à main droite, du côté de l’Illyrie, et se poussaient vers l’occident. Il se fit un reflux de nations et un transport de peuples de ce côté-là. Les passages de l’Asie étant mieux gardés, tout refoulait vers l’Europe ; au lieu que, dans la première invasion, sous Gallus, les forces des Barbares se partagèrent.

L'empire ayant été réellement divisé, les empereurs

  1. Les Goths, comme nous l’avons dit, ne cultivaient point la terre.
    Les Vandales les appelaient Trulles, du nom d’une petite mesure, parce que dans une famine ils leur vendirent fort cher une pareille mesure de blé. Olympiodore, dans la Bibliothèque de Photius, liv. XXX. (M.)
  2. On voit, dans l’Histoire de Priscus, qu’il y avait des marchés établis par les traités sur les bords du Danube. (M.)
  3. Quand les Goths envoyèrent prier Zénon de recevoir dans son alliance Theudéric, fils de Triarius, aux conditions qu’il avait accordées à Theudéric, fils de Balamer, le sénat consulté répondit que les revenus de l’état n’étaient pas suffisants pour nourrir deux peuples goths, et qu’il fallait choisir l’amitié de l’un des deux. Histoire de Malchus dans l’Extrait des ambassades. (M.)