Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
GRANDEUR ET DÉCADENCE


prisonniers qu’il avait faits moyennant une demi-pièce d’argent par tête. Sur son refus, il les fit égorger. L’armée romaine, indignée, se révolta, et, les verts s’étant soulevés en même temps, un centenier nommé Phocas fut élevé à l’empire et fit tuer Maurice et ses enfants.

L’histoire de l’Empire grec — c’est ainsi que nous nommerons dorénavant l’Empire romain — n’est plus qu’un tissu de révoltes, de séditions et de perfidies. Les sujets n’avaient pas seulement l’idée de la fidélité que l’on doit aux princes, et la succession des Empereurs fut si interrompue que le titre de Porphyrogénète[1], c’est-à-dire né dans l’appartement où accouchaient les Impératrices, fut un titre distinctif, que peu de princes des diverses familles impériales purent porter.

Toutes les voies furent bonnes pour parvenir à l’empire : on y alla par les soldats, par le clergé, par le sénat, par les paysans, par le peuple de Constantinople, par celui des autres villes[2].

La religion chrétienne étant devenue dominante dans l’Empire, il s’éleva successivement plusieurs hérésies qu’il fallut condamner. Arius ayant nié la divinité du Verbe ; les Macédoniens, celle du Saint-Esprit ; Nestorius, l’unité de la personne de Jésus-Christ ; Eutychès, ses deux natures ; les Monothélites, ses deux volontés : il fallut assembler des conciles contre eux. Mais les décisions n’en ayant pas été d’abord universellement reçues, plusieurs empereurs, séduits, revinrent aux erreurs condamnées. Et, comme il n’y a jamais eu de nation qui ait porté une haine si violente aux hérétiques que les Grecs, qui se croyaient souillés lorsqu’ils parlaient à un hérétique ou

  1. Ce mot, dérivé du grec, signifie né dans la pourpre.
  2. A : par celui des villes de province.