Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
308
GRANDEUR ET DÉCADENCE


images, on dirait que ce sont nos controversistes qui s’échauffent contre Calvin. Quand les Allemands passèrent pour aller dans la Terre-Sainte, Nicétas dit que les Arméniens les reçurent comme amis, parce qu’ils n’adoraient pas les images. Or, si, dans la manière de penser des Grecs, les Italiens et les Allemands ne rendaient pas assez de culte aux images, quelle devait être l’énormité du leur !

Il pensa bien y avoir en Orient à peu près la même révolution qui arriva, il y a environ deux siècles, en Occident, lorsqu’au renouvellement des lettres, comme on commença à sentir les abus et les dérèglements où l’on était tombé, tout le monde cherchant un remède au mal, des gens hardis et trop peu dociles déchirèrent l’Église, au lieu de la réformer.

Léon l’Isaurien, Constantin Copronyme, Léon, son fils, firent la guerre aux images, et, après que le culte en eut été rétabli par l’impératrice Irène, Léon l’Arménien, Michel le Bègue et Théophile les abolirent encore. Ces princes crurent n’en pouvoir modérer le culte qu’en le détruisant ; ils firent la guerre aux moines, qui incommodaient l’État[1] ; et, prenant toujours les voies extrêmes, ils voulurent les exterminer par le glaive, au lieu de chercher à les régler.

Les moines[2], accusés d’idolâtrie par les partisans des nouvelles opinions, leur donnèrent le change[3] en les

  1. Longtemps avant, Valens avait fait une loi pour les obliger d’aller à la guerre, et fit tuer ceux qui n’obéirent pas. Jornandès, De regn. success. ; et la loi 26, Cod. De Decur. X, 31. (M.)
  2. Tout ce qu’on verra ici sur les moines grecs ne porte point sur leur état ; car on ne peut pas dire qu’une chose ne soit pas bonne, parce que dans de certains temps, ou dans quelques pays, on en a abusé. (M.)
  3. C'est-à-dire leur rendirent la pareille.