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DES ROMAINS, CHAP. XXII.


ner part ; ils ne cessèrent de faire du bruit partout et d’agiter ce monde qu’ils avaient quitté.

Aucune affaire d’État, aucune paix, aucune guerre, aucune trêve, aucune négociation, aucun mariage ne se traita que par le ministère des moines : les conseils du prince en furent remplis, et les assemblées de la Nation, presque toutes composées.

On ne saurait croire quel mal il en résulta : ils affaiblirent l’esprit des princes et leur firent faire imprudemment même les choses bonnes. Pendant que Basile occupait les soldats de son armée de mer à bâtir une église à saint Michel, il laissa piller la Sicile par les Sarrasins et prendre Syracuse ; et Léon, son successeur, qui employa sa flotte au même usage, leur laissa occuper Tauroménie et l’île de Lemnos[1].

Andronic Paléologue abandonna la marine parce qu’on l’assura que Dieu était si content de son zèle pour la paix de l’Église que ses ennemis n’oseraient l’attaquer. Le même craignait que Dieu ne lui demandât compte du temps qu’il employait à gouverner son État, et qu’il dérobait aux affaires spirituelles[2].

Les Grecs, grands parleurs, grands disputeurs, naturellement sophistes, ne cessèrent d’embrouiller la religion par des controverses. Comme les moines avaient un grand crédit à la Cour, toujours d’autant plus faible qu’elle était plus corrompue, il arrivait que les moines et la Cour se gâtaient réciproquement[3], et que le mal était dans tous les deux ; d’où il suivait que toute l’attention des

  1. Zonaras et Nicéphore, Vies de Basile et de Léon. (M.)
  2. Pachymère, liv. VII. (M.)
  3. A. Les moines et la cour se gâtoient réciproquement.