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LE TEMPLE DE GNIDE.


vont embrasser les autels de la Fidélité et de la Constance.

Ceux qui sont accablés des rigueurs d’une cruelle, y viennent soupirer : ils sentent diminuer leurs tourments : ils trouvent dans leur cœur la flatteuse espérance[1].

La déesse, qui a promis de faire le bonheur des vrais amants, le mesure toujours à leurs peines.

La jalousie est une passion qu’on peut avoir, mais qu’on doit taire. On adore en secret les caprices de sa maîtresse, comme on adore les décrets des dieux, qui deviennent plus justes lorsqu’on ose s’en plaindre.

On met au rang des faveurs divines, le feu, les transports de l’amour, et la fureur même : car, moins on est maître de son cœur, plus il est à la déesse.

Ceux qui n’ont point donné leur cœur sont des profanes, qui ne peuvent pas entrer dans le temple : ils adressent de loin leurs vœux à la déesse, et lui demandent de les délivrer de cette liberté, qui n’est qu’une impuissance de former des désirs.

La déesse inspire aux filles de la modestie : cette qualité charmante donne un nouveau prix à tous les trésors qu’elle cache[2].

Mais jamais dans ces lieux fortunés, elles n’ont rougi d’une passion sincère, d’un sentiment naïf, d’un aveu tendre.

Le cœur fixe toujours lui-même le moment auquel il

  1. A. Les cœurs amoureux viennent dans le temple demander à la déesse de les attendrir encore.
    Ceux qui sont accablés des rigueurs de leur maîtresse viennent soupirer dans le temple ; ils sentent diminuer leurs tourments, et entrer dans leur cœur la flatteuse espérance.
  2. A. La déesse inspire aux filles de la modestie, et les fait estimer au prix que l’imagination, toujours prodigue, y sait mettre.