Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
394
ARSACE ET ISMÉNIE.


promenais dans mon jardin, un petit coffre plein de pièces d’or parut à mes yeux ; et j’en aperçus un autre dans le creux d’un chêne sous lequel j’allais ordinairement me reposer. Je passe le reste. J’étais sûr qu’il n’y avait pas un seul homme dans la Médie qui eût quelque connaissance du lieu où je m’étais retiré ; et d’ailleurs je savais que je n’avais aucun secours à attendre de ce côté-là. Je me creusais la tête pour pénétrer d’où me venaient ces secours. Toutes les conjectures que je faisais se détruisaient les unes les autres.

On fait, dit Aspar en interrompant Arsace, des contes merveilleux de certains génies puissants qui s’attachent aux hommes et leur font de grands biens. Rien de ce que j’ai ouï dire là-dessus n’a fait impression sur mon esprit ; mais ce que j’entends m’étonne davantage : vous dites ce que vous avez éprouvé, et non pas ce que vous avez ouï dire.

Soit que ces secours, reprit Arsace, fussent humains ou surnaturels, il est certain qu’ils ne me manquèrent jamais ; et que, de la même manière qu’une infinité de gens trouvent partout la misère, je trouvai partout les richesses ; et, ce qui vous surprendra, elles venaient toujours à point nommé : je n’ai jamais vu mon trésor prêt à finir, qu’un nouveau n’ait d’abord reparu, tant l’intelligence qui veillait sur nous était attentive. Il y a plus : ce n’était pas seulement nos besoins qui étaient prévenus, mais souvent nos fantaisies. Je n’aime guère, ajouta-t-il, à dire des choses merveilleuses. Je vous dis ce que je suis forcé de croire, et non pas ce qu’il faut que vous croyiez.

La veille du mariage de la favorite, un jeune homme, beau comme l’Amour, vint me porter un panier de très-