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ARSACE ET ISMÉNIE.

« Si le ciel voulait m’accorder le breuvage d’immortalité, tant cherché dans l’Orient, vous boiriez dans la même coupe, ou je n’en approcherais point mes lèvres ; vous seriez immortelle avec moi, ou je mourrais avec vous. »

Il lui mandait :

« J’ai donné votre nom à la ville que j’ai fait bâtir ; il me semble qu’elle sera habitée par nos sujets les plus heureux. »

Dans une autre lettre, après ce que l’amour pouvait dire de plus tendre sur les charmes de sa personne, il ajoutait :

« Je vous dis ces choses sans même chercher à vous plaire ; je voudrais calmer mes ennuis ; je sens que mon âme s’apaise en vous parlant de vous. »

Enfin elle reçut cette lettre :

« Je comptais les jours, je ne compte plus que les moments, et ces moments sont plus longs que les jours. Belle reine, mon cœur est moins tranquille à mesure que j’approche de vous. »

Après le retour d’Arsace, il lui vint des ambassades de toutes parts ; il y en eut qui parurent singulières. Arsace était sur un trône qu’on avait élevé dans la cour du palais. L’ambassadeur des Parthes entra d’abord ; il était monté sur un superbe coursier ; il ne descendit point à terre, et il parla ainsi :

« Un tigre d’Hyrcanie désolait la contrée, un éléphant l’étouffa sous ses pieds. Un jeune tigre restait, et il était déjà aussi cruel que son père ; l’éléphant en délivra encore le pays. Tous les animaux qui craignaient les bêtes féroces venaient paître autour de lui. Il se plaisait à voir qu’il était leur asile, et il disait en lui-même : On dit que le