Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
LE TEMPLE DE GNIDE.


marquer une taille charmante, et d’avoir été filée de leurs propres mains.

Parmi toutes ces beautés, on ne vit point la jeune Camille. Elle avoit dit : Je ne veux point disputer le prix de la beauté ; il me suffit que mon cher Aristée me trouve belle.

Diane rendoit ces jeux célèbres par sa présence. Elle n’y venoit point disputer le prix ; car les déesses ne se comparent point aux mortelles. Je la vis seule, elle étoit belle comme Vénus : je la vis auprès de Vénus, elle n’étoit plus que Diane.

Il n’y eut jamais un si grand spectacle : les peuples étoient séparés des peuples ; les yeux erroient de pays en pays, depuis le couchant jusqu’à l’aurore : il sembloit que Gnide fût tout l’univers.

Les dieux ont partagé la beauté entre les nations, comme la nature l’a partagée entre les déesses. Là, on voyoit la beauté fière de Pallas ; ici, la grandeur et la majesté de Junon ; plus loin, la simplicité de Diane, la délicatesse de Thétis, le charme des Grâces, et quelquefois le sourire de Vénus.

Il sembloit que chaque peuple eût une manière particulière d’exprimer sa pudeur, et que toutes ces femmes voulussent se jouer des yeux : les unes[1] découvroient la gorge, et cachoient leurs épaules : les autres montroient les épaules, et couvroient la gorge ; celles qui vous déroboient le pied, vous payoient par d’autres charmes : et là on rougissoit de ce qu’ici on appeloit bienséance.

Les dieux sont si charmés de Thémire, qu’ils ne la regardent jamais sans sourire de leur ouvrage. De toutes

  1. A. Car les unes découvroient, etc.