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LE TEMPLE DE GNIDE.


Fais que Thémire, enfin, du soir jusqu’à l’aurore,
S’occupe de me voir ou de me désirer.

Gnide alors célébrait des fêtes solennelles,
Dont le spectacle attire une foule de belles :
Ce peuple ambitieux accourt de toutes parts,
Pour disputer le prix et fixer les regards.
A leur cercle élégant la déesse préside,
Et son choix, d’un coup d’œil, entr’elles se décide.

Des remparts de Corinthe il vint trente beautés,
Dont les cheveux tombaient en boucles ondoyantes :
Dix autres, qui n’avaient que des grâces naissantes.
Venaient de Salamine, et comptaient treize étés.
Les filles de Lesbos se disaient l’une à l’autre :
Mon cœur est tout ému, depuis que je vous voi :
Vénus, si votre aspect l’enchante autant que moi,
Parmi tant de beautés, doit couronner la vôtre.

Milet avait fourni les plus rares trésors ;
Cinquante objets, plus frais qu’une rose nouvelle,
De la perfection présentaient le modèle.
Mais les dieux, ne cherchant qu’à former de beaux corp
Manquèrent d’y placer la grâce encor plus belle.

Chypre avait envoyé cent femmes au concours.
Elles disaient : Vénus a reçu nos prémices ;
Au pied de ses autels nous passons nos beaux jour
Et d’un scrupule vain, qui s’alarme toujours,
Nos charmes, sans rougir, lui font des sacrifices.

Celles que l’Eurotas vit naître sur ses bords,
Dans leurs libres atours bravaient la modestie,
Et, prétendant complaire aux lois de leur patrie,
De l’austère pudeur se jouaient sans remords.

Et toi, mer orageuse, en naufrages féconde !
Tu sais nous conserver de précieux dépôts.