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SUITE DE LA DÉFENSE


à peine leur accorder aujourd’hui, d’avoir usurpé une autorité déterminante, et d’avoir uni au titre de serviteur des serviteurs le titre de roi des rois, sans être ni l’un ni l’autre. N’y a-t-il qu’à dire dévotement : ad majorem Dei gloriam ? Cela est si aisé !

Les Pères sont pour nous dans un point de vue qui nous en impose. Rapprochons-les de nous, arrachons-leur ce masque qui nous fait illusion. N’en jugeons point par ce qu’ils devroient être ; jugeons-en par ce qu’ils ont été. Que ces grands hommes seront petits !

Règle générale : tout zèle, que le magistrat, chrétien ou incrédule, a droit de réprimer, ne sauroit être louable. Or, le zèle des Pères contre le mariage est de ce genre. Il tend à la destruction de l’espèce humaine ; il combat tous les penchants de l’instinct ; il va directement contre le droit naturel.

Je ne reconnois rien de louable dans un zèle dont le louable est local ou personnel. Or, tel est celui des Pères. Détachez-le de l’antiquité, détachez-le de leurs personnes ; transportez-le à un homme dont le nom n’ait rien d’auguste, dont le temps n’ait pas consacré les opinions et la conduite : autant vaudroit-il livrer cet homme au bras séculier, ou à l’indignation publique.

Je ne vois rien de louable dans un zèle qui, sous prétexte de perfectionner la religion chrétienne, attaque la naturelle. Tel est précisément le zèle des célibataires : ils détruisent une des plus importantes lois de la nature, qui nous ordonne de travailler à la propagation de notre être.

Il est bien fâcheux que les colonnes de l’Église en aient si mal soutenu l’édifice. N’écoutons point le préjugé qui nous parle pour eux. Il y a un zèle qui vient de Dieu ; mais aussi il y a un zèle qui vient du diable. Leurs