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LETTRES FAMILIÈRES.

gens, et l’italien y est presque inutile. Je suis persuadé que le françois gagnera tous les jours dans les pays étrangers. La communication des peuples y est si grande qu’ils ont absolument besoin d’une langue commune, et on choisira toujours notre françois. Il seroit bien aisé de deviner, si on interceptoit cette lettre, que c’est un académicien qui parle à un académicien.

M. de Richelieu est parti d’ici adoré des femmes, et très-estimé des gens sensés. Les deux plus grands hommes de lettres qu’il y ait à Vienne sont le prince Eugène et le général Stahremberg. Si vous pouvez m’envoyer deux exemplaires des Conseils[1] de Mme de Lambert, et deux autres des Éloges du Czar et de M. Newton[2], vous me ferez plaisir. Je voudrois leur faire voir ces ouvrages, et je serois bien aise de leur donner bonne opinion de notre France. Il faudra les remettre à M. Robinson, qui aura, j’espère, la bonté de les envoyer par le premier courrier d’Angleterre à Vienne.

Je vous demande pardon si je vous prie de faire pour moi cette petite avance ; mais vous aurez peut-être besoin que j’en fasse pour vous, et que je vous achète quelque chose en Allemagne et en Italie.

Vous ne sauriez croire dans quelle vénération M. le Cardinal[3] est dans le pays étranger. Agréez, de plus, que je vous demande une grâce. Il y a quelques jours que j’écrivis à M. le Cardinal et à M. de Chauvelin[4] que je

  1. Avis d’une mère à son fils, Avis d’une mère à sa fille, Paris, 1728, in-12.
  2. Ces Éloges sont de Fontenelle.
  3. Le cardinal de Fleury (1653-1743), précepteur de Louis XV, et à l’âge de soixante-treize ans (1726), son premier ministre.
  4. Germain-Louis de Chauvelin (1685-1762) nommé en 1727 garde des sceaux d’État au département des affaires étrangères.