Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/374

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
356
LETTRES FAMILIÈRES.


de son caractère soutînt une thèse aussi contraire à l’humanité. Je crois que son apostolat ne fera pas fortune à Paris [1]. En effet, comment se persuader qu’un usage asiatique qui a passé en Europe par les mains des Anglois, et nous est prêché par un étranger, puisse être cru bon chez nous qui avons le droit exclusif du ton et des modes ? L’abbé compte de faire un voyage en Italie au printemps prochain : il me charge de vous dire qu’il se fait d’avance un grand plaisir de vous trouver à Turin. Je voudrois bien pouvoir me flatter de le partager avec lui ; mais je crois que mon vieux château et mon cuvier me rappelleront bientôt dans ma province ; car, depuis la paix, mon vin fait encore plus de fortune en Angleterre qu’en a fait mon livre. Je vous prie de dire les choses les plus tendres de ma part à M. le marquis de Breil, et de me donner bientôt des nouvelles des deux personnes que j’aime et que je respecte le plus à Turin.


_______



LETTRE XCIII.


A L’ABBÉ VENUTI.


Mon cher Abbé, je ne vous ai point encore remercié

  1. Ce ne fut en effet qu’aprés le voyage que M. de La Condamine fit à Londres peu d’années après, qu’on vit, à Paris, les premiers essais de l’inoculation. Cet académicien ne se bornera pas à faire verbalement des rapports de ses observations sur cette pratique ; mais il les mit par écrit et les communiqua au public, le mettant par là en état d’y réfléchir, et de se persuader de la réalité des avantages qu’on retireroit de cette pratique, néanmoins encore combattue par la déraison du préjugé, et la cabale de bien des médecins. (Note de la première édition.)