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VOYAGE

Ceux qui remplissent le premier rang sont les amants qui ont fait honneur à la galanterie de leur siècle ; et ceux-ci ont mérité d’être placés près des autres pour avoir plu à Vénus par quelque trait particulier.

Ce guerrier est un illustre des Cantons, qui plusieurs fois dans sa vie refusa de se trouver à d’amples sacrifices à Bacchus, pour sacrifier à l’Amour [1].

Près de là une vieille coquette qui n’a jamais ressenti la moindre jalousie des charmes de sa fille.

Suivez. Une belle de haut rang, qui même, après l’inconstance d’un perfide amant, n’a point eu de nouvelle intrigue.

Vis-à-vis : une musicienne réservée, qui a su convertir un disciple d’Épicure, qui depuis longtemps s’était déclaré contre les femmes.

Ne vous étonnez pas si parmi les portraits des rares amants [2] vous voyez si peu de draperies françaises. La nation fournit plus de perfides que d’amants, et vous conviendrez que vos héroïnes ne travaillent pas à rétablir la bonne foi dans le commerce amoureux.

Eh ! pourquoi Vénus ne chasse-t-elle pas de son empire les amants qui ne craignent pas de le déshonorer ?

Détrompez-vous, Diphile, ces amants ne sont point soumis à la Déesse ; elle n’accepte que les cœurs que son fils a blessés. Il connaît l’effet de ses coups : pour en mieux juger il a voulu les sentir ; et l’Amour ne donne à Vénus que des cœurs pareils au cœur de l’Amour même.

Mais ses traits peuvent seuls rendre un cœur sensible ; désavoue-t-il ceux qu’il a blessés ?

  1. Ce paragraphe et les trois suivants ne sont pas dans A.
  2. A. Des amants.