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MONTESQUIEU

fois on se soutient par son audace ; souvent l’envie s’élève contre un audacieux et souvent elle s’irrite de voir un homme modeste couvert de gloire.

Cependant le meilleur de tous les moyens que Ton puisse employer pour conserver sa réputation, c’est celui de la modestie qui doit empêcher les hommes de se repentir de leurs suffrages, en leur faisant voir que Ton ne s’en sert pas contre eux.

Il y a un moyen de conserver sa réputation, qui console même de ne l’avoir pas conservée, c’est la vertu.

Et c’est un grand avantage de la rechercher dans l’exercice de ces actions qui sont bonnes parce qu’elles nous la donnent, et qui sont bonnes encore lorsqu’elles ne nous la donnent pas.

De toutes les vertus celle qui contribue le plus à nous donner une réputation invariable, c’est l’amour de nos concitoyens. Le peuple qui croit toujours qu’on l’aime peu et qu’on le méprise beaucoup, n’est jamais ingrat de l’amour qu’on lui accorde ; dans les républiques où chaque citoyen partage l’empire, l’esprit populaire le rend odieux, mais dans les monarchies où l’on ne va à l’ambition que par l’obéissance ou et par rapport au pouvoir la faveur du peuple n’accorde rien lorsqu’elle n’accorde pas tout, elle donne une réputation sure, parce qu’elle ne peut être soupçonnée d’aucun motif qui ne soit vertueux.

Ce qui perd la plupart des gens, c’est qu’ils