Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/187

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rité. Peut-être avons-nous eu tort de prendre cet usage : dans une monarchie, on n’a pas besoin de tant de contrainte.

Certe même subordination, dans la république, y pourroit demander que le pere restât, pendant la vie, le maitre des biens de ses enfans, comme il fut réglé à Rome. Mais cela n’est pas de l’esprit de la monarchie.


CHAPITRE VIII.

Comment les loix doivent se rapporter au principe du gouvernement, dans l’aristocratie.


SI, dans l’aristocratie, le peuple est vertueux, on y jouira à peu près du bonheur du gouvernement populaire, & l’état deviendra puissant. Mais, comme il est rare que, là où les fortunes des hommes sont inégales, il y ait beaucoup de vertu, il faut que les loix tendent à donner, autant qu’elles peuvent, un esprit de modération, & cherchent à rétablir cette égalité que la constitution de l’état ôte nécessairement.

L’esprit de modération est ce qu’on appelle la vertu dans l’aristocratie ; il y tient la place de l’esprit d’égalité dans l’état populaire.

Si le faste & la splendeur qui environnent les rois font une partie de leur puissance, la modestie & la simplicité des manieres font la force des nobles aristocratiques[1]. Quand ils n’affectent aucune distinction, quand ils se confondent avec le peuple, quand ils sont vêtus comme lui quand ils lui font partager tous leurs plaisirs, il oublie sa foiblesse.

  1. De nos jours, les Vénitiens, qui, à bien des égards, se sont conduits três-sagement, déciderent, sur une dispute entre un noble Vénitien & un gentilhomme de Terre-ferme, pour une préséance dans une église, que, hors de Venise, un noble Vénitien n’avoit point de prééminence sur un autre citoyen.