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jugeassent arbitrairement, sans qu’il y eût des loix pour les diriger. A Rome, les premiers consuls jugerent comme les éphores : on en sentit les inconvéniens, & l’on fit des loix précises.

Dans les états despotiques, il n’y a point de loix : le juge est lui-même sa regle. Dans les états monarchiques, il y a une loi ; &, là où elle est précise, le juge la suit ; là où elle ne l’est pas, il en cherche l’esprit. Dans le gouvernement républicain, il est de la nature de la constitution, que les juges suivent la lettre de la loi. Il n’y a point de citoyen contre qui on puisse interpréter une loi, quand il s’agit de ses biens, de son honneur, ou de sa vie.

A Rome, les juges prononçoient seulement que l’accusé étoit coupable d’un certain crime ; & la peine le trouvoit dans la loi, comme on le voit dans diverses loix qui furent faites. De même, en Angleterre, les jurés décident si l’accusé est coupable ou non du fait qui a été porté devant eux ; &, s’il est déclaré coupable, le juge prononce la peine que la loi inflige pour ce fait : &, pour cela, il ne lui faut que des yeux.


CHAPITRE IV.

De la maniere de former les jugemens.


DE-LA, suivent les différentes manieres de former les jugemens. Dans les monarchies, les juges prennent la maniere des arbitres ; ils déliberent ensemble, ils se communiquent leurs pensées, ils se concilient ; on modifie son avis, pour le rendre conforme à celui d’un autre ; les avis les moins nombreux sont rappellés aux deux plus grands. Cela n’est point de la nature de la république. A Rome, & dans les villes Grecques, les juges ne se communiquoient point : chacun donnoit son avis d’une de ces trois manieres : J’absous ; je con-