Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/260

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suivie, & qu’elle le suit touiours. Si vous laissez en liberté les mouvemens du cœur, comment pourrez-vous gêner les foiblesses de l’esprit ?

A Rome, outre les institutions générales, les censeurs firent faire, par les magistrats, plusieurs loix particulieres, pour maintenir les femmes dans la frugalité. Les loix Fannienne, Lycinienne & Oppienne eurent cet objet. Il faut voir, dans Tite Live[1], comment le sénat fut agité, lorsqu’elles demanderent la révocation de la loi Oppienne. Valere Maxime met l’époque du luxe, chez les Romains, à l’abrogation de cette loi.


CHAPITRE XV.

Des dots & des avantages nuptiaux, dans les diverses constitutions.


LES dots doivent être considérables dans les monarchies, afin que les maris puissent soutenir leur rang & le luxe établi. Elles doivent être médiocres dans les républiques, où le luxe ne doit pas regner[2]. Elles doivent être à peu près nulles dans les états despotiques, où les femmes sont, en quelque façon, esclaves.

La communauté des biens introduite par les loix Françoises entre le mari & la femme, est très-convenable dans le gouvernement monarchique ; parce qu’elle intéresse les femmes aux affaires domestiques, & les rappelle, comme malgré elles, au soin de leur maison. Elle l’est moins dans la république, où les femmes ont plus de vertu. Elle seroit absurde dans les états despotiques,

  1. Décade IV, liv. IV.
  2. Marseille fut la plus sage des républiques de son temps, les dots ne pouvoient passer cent écus en argent, & cinq en habits ; dit Strabon, liv. IV.