Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/280

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Le prompt établissement du pouvoir sans bornes est le remede qui, dans ces cas, peut prévenir la dissolution : nouveau malheur après celui de l’aggrandissement !

Les fleuves courent se mêler dans la mer : les monarchies vont se perdre dans le despotisme.


CHAPITRE XVIII.

Que la monarchie d’Espagne étoit dans un cas particulier.


QU’ON ne cite point l’exemple de l’Espagne ; elle prouve plutôt ce que je dis. Pour garder l’Amérique, elle fit ce que le despotisme même ne fait pas ; elle en détruisit les habitans. Il fallut, pour conserver sa colonie, qu’elle la tint dans la dépendance de sa subsistance même.

Elle essaya le despotisme dans les Pays-Bas ; &, sitôt qu’elle l’eut abandonné, ses embarras augmenterent. D’un côté, les Wallons ne vouloient pas être gouvernés par les Espagnols ; &, de l’autre, les soldats Espagnols ne vouloient pas obéir aux officiers Wallons[1].

Elle ne se maintint dans l’Italie, qu’à force de l’enrichir & de se ruiner : car ceux qui auroient voulu se défaire du roi d’Espagne n’étoient pas, pour cela, d’humeur à renoncer à son argent.


CHAPITRE XIX.

Propriétés distinctives du gouvernement despotique.


UN grand empire suppose une autorité despotique dans celui qui gouverne. Il faut que la promptitude des

  1. Voyez l’histoire des Provinces-Unies, par M. le Clerc.