Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/31

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touchant immédiatement à ceux qui les doivent exécuter, la crainte ne fait plus d’impression ; c’est la loi qui parle par la bouche de ses émissaires ; ce n’est plus le monarque.

Il faut encore dans une monarchie, un corps dépositaire des loix, médiateur entre les sujets & le prince. S’il n’existe point de dépôt pour les loix ; si elles ne sont pas sous la main des gardiens fideles qui, pour arrêter l’effet des volontés momentanées du souverain, les placent à propos entre la nation & lui ; elles n’ont plus de stabilité ; elles n’ont plus d’effet, & le despotisme les anéantit.

Il est de la nature du gouvernement despotique, que la volonté, les caprices du tyran soient la seule loi : il faut donc qu’il exerce son autorité, ou par lui seul, ou par un seul qui le représente. Prend-il des mesures pour faire exécuter ses volontés ? se prescrit-il des regles ? ou souffre-t-il qu’on lui en rappelle ? Sa volonté n’est pas la seule loi : il cesse d’être despote, & monte à la monarchie.

Tels sont, en général, les établissemens que doit former un législateur qui songe à fonder ou à introduire l’un de ces trois gouvernemens. Mais, s’il veut que son ouvrage soit durable, après avoir réglé la nature de son gouvernement, il faut aussi qu’il s’occupe de son principe ; c’est-à-dire, de ce qui le soutiendra & le fera agir. Ainsi, il faut que, pour une république, il trouve le secret d’insinuer