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CHAPITRE XVI.

D’un état despotique qui conquiert.


LORSQUE la conquête est immense, elle suppose le despotisme. Pour lors, l’armée répandue dans les provinces ne suffit pas. Il faut qu’il y ait toujours autour du prince un corps particuliérement affidé, toujours prêt à fondre sur la partie de l’empire qui pourroit s’ébranler. Cette milice doit contenir les autres, & faire trembler tous ceux à qui on a été obligé de laisser quelque autorité dans l’empire. Il y a autour de l’empereur de la Chine un gros corps de Tartares toujours prêt pour le besoin. Chez le Mogol, chez les Turcs, au Japon, il y a un corps à la solde du prince, indépendamment de ce qui est entretenu du revenu des terres. Ces forces particulieres tiennent en respect les générales.


CHAPITRE XVII.

Continuation du même sujet.


NOUS avons dit que les états que le monarque despotique conquiert, doivent être feudataires. Les historiens s’épuisent en éloges sur la générosité des conquérans qui ont rendu la couronne aux princes qu’ils avoient vaincus. Les Romains étoient donc bien généreux, qui faisoient par-tout des rois, pour avoir des instrumens de servitude[1]. Une action pareille est un acte nécessaire. Si le conquérant garde l’état conquis les gouverneurs qu’il enverra ne sçauront contenir les sujets,

  1. Ut haberent instrumenta servitutis & reges.