Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/339

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regle les mœurs des citoyens, & la police momentanée des divers corps de l’état. Les principales prérogatives qui leur resterent furent de présider aux grands[1] états du peuple, d’assembler le sénat, & de commander les armées.

3°. Les loix sacrées établirent des tribuns qui pouvoient, à tous les instans, arrêter les entreprises des patriciens ; & n’empêchoient pas seulement les injures particulieres, mais encore les générales.

Enfin les plébéiens augmenterent leur influence dans les décisions publiques. Le peuple Romain étoit divisé de trois manieres, par centuries, par curies, & par tribus : &, quand il donnoit son suffrage, il étoit assemblé & formé d’une de ces trois manieres.

Dans la premiere, les patriciens, les principaux, les gens riches, le sénat, ce qui étoit à peu près la même chose, avoient presque toute l’autorité ; dans la seconde, ils en avoient moins ; dans la troisieme, encore moins.

La division par centuries étoit plutôt une division de cens & de moyens, qu’une division de personnes. Tout le peuple étoit partagé en cent quatre-vingt-treize centuries[2], qui avoient chacune une voix. Les patriciens & les principaux formoient les quatre-vingt-dix-huit premieres centuries ; le reste des citoyens étoit répandu dans les quatre-vingt-quinze autres. Les patriciens étoient donc, dans cette division, les maîtres des suffrages.

Dans la division par curies[3], les patriciens n’avoient pas les mêmes avantages. Ils en avoient pourtant. Il falloit consulter les auspices, dont les patriciens étoient les maitres : on n’y pouvoit faire de proposition au peuple, qui n’eût été auparavant portée au sénat, & approuvée par un sénatus-consulte. Mais, dans la division par tribus, il n’étoit question ni d’auspices, ni de sénatus-consulte, & les patriciens n’y étoient pas admis.


  1. Comitiis centuriatis.
  2. Voyez là-dessus Tite Live, liv. I ; & Denys d’Halicarnasse, liv. IV & VII.
  3. Denys d’Halicarnasse, liv. IX, pag. 598.