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criminels, intéressent le genre humain plus qu’aucune chose qu’il y ait au monde.

Ce n’est que sur la pratique de ces connoissances, que la liberté peut être fondée : &, dans un état qui auroit là-dessus les meilleures loix possibles, un homme à qui on feroit son procès, & qui devroit être pendu le lendemain, seroit plus libre qu’un bacha ne l’est en Turquie.


CHAPITRE III.

Continuation du même sujet.


LES loix qui font périr un homme sur la déposition d’un seul témoin, sont fatales à la liberté. La raison en exige deux ; parce qu’un témoin qui affirme, & un accusé qui nie, font un partage ; & il faut un tiers pour le vuider.

Les Grecs[1] & les Romains[2] exigeoient une voix de plus pour condamner. Nos loix Françoises en demandent deux. Les Grecs prétendoient que leur usage avoit été établi par les dieux[3] ; mais c’est le nôtre.


CHAPITRE IV.

Que la liberté est favorisée par la nature des peines, & leur proportion.


C’EST le triomphe de la liberté, lorsque les loix criminelles tirent chaque peine de la nature particuliere du crime. Tout l’arbitraire cesse ; la peine ne descend point

  1. Voyez Aristide, orat. in Minervam.
  2. Denys d’Halicarnasse, sur le jugement de Coriolan, liv. VII.
  3. Minervæ calculus.