Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/361

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corrections, & autres peines qui ramenent les esprits inquiets, & les font rentrer dans l’ordre établi.

Je restreins les crimes contre la tranquillité, aux choses qui contiennent une simple lésion de police : car celles qui, troublant la tranquillité, attaquent en même temps la sûreté, doivent être mises dans la quatrieme classe.

Les peines de ces derniers crimes sont ce qu’on appelle des supplices. C’est une espece de talion, qui fait que la société refuse la sûreté à un citoyen qui en a privé, ou qui a voulu en priver un autre. Cette peine est tirée de la nature de la chose, puisée dans la raison, & dans les sources du bien & du mal. Un citoyen mérite la mort, lorsqu’il a violé la sûreté au point qu’il a ôté la vie, ou qu’il a entrepris de l’ôter. Cette peine de mort est comme le remede de la société malade. Lorsqu’on viole la sûreté à l’égard des biens, il peut y avoir des raisons pour que la peine soit capitale : mais il vaudroit peut-être mieux, & il seroit plus de la nature, que la peine des crimes contre la sûreté des biens fût punie par la perte des biens. Et cela devroit être ainsi, si les fortunes étoient communes ou égales : mais, comme ce sont ceux qui n’ont point de biens qui attaquent plus volontiers celui des autres, il a fallu que la peine corporelle suppléât à la pécuniaire.

Tout ce que je dis est puisé dans la nature, & est très-favorable à la liberté du citoyen.


CHAPITRE V.

De certaines accusations qui ont particuliérement besoin de modération & de prudence.


MAXIME importante : il faut être très-circonspect dans la poursuite de la magie & de l’hérésie. L’accusation de ces deux crimes peut extrêmement choquer la liberté, & être la source d’une infinité de tyrannies, si le législateur ne sçait la borner. Car, comme elle ne