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CHAPITRE XXIX.

Des loix civiles propres à mettre un peu de liberté dans le gouvernement despotique.


QUOIQUE le gouvernement despotique, dans sa nature, soit par-tout le même ; cependant, des circonstances, une opinion de religion, un préjugé, des exemples reçus, un tour d’esprit, des manieres, des mœurs, peuvent y mettre des différences considérables.

Il est bon que de certaines idées s’y soient établies. Ainsi, à la Chine, le prince est regardé comme le pere du peuple ; &, dans les commencemens de l’empire des Arabes, le prince en étoit le prédicateur[1].

Il convient qu’il y ait quelque livre sacré qui serve de regle, comme l’alcoran chez les Arabes, les livres de Zoroastre chez les Perses, le védam chez les Indiens, les livres classiques chez les Chinois. Le code religieux supplée au code civil, & fixe l’arbitraire.

Il n’est pas mal que, dans les cas douteux, les juges consultenr les ministres de la religion[2]. Aussi, en Turquie, les cadis interrogent-ils les mollachs. Que si le cas mérite la mort, il peut être convenable que le juge particulier, s’il y en a, prenne l’avis du gouverneur ; enfin que le pouvoir civil & l’ecclésiastique soient encore tempérés par l’autorité politique.


  1. Les Caliphes.
  2. Histoire des Tattars, troisieme partie, pag. 227, dans les remarques.